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Extraits de Tokyo Rhapsodie
22 août 2008

XI. LES FEUX D’ARTIFICES EN ÉTÉ - Part. 1

Extraits du roman Tokyo Rhapsodie aux éditions la Musardine, cliquez ici pour en savoir plus...

C’était une soirée d’été. Les cigales stridulaient dans une chaleur moite qu’aucun vent ne venait rafraîchir, mais Yu-Chan s’en moquait. Elle portait un kimono de coton qu’elle avait acheté spécialement pour voir le feu d’artifice ce jour-là. Elle était partie avec Maiko, à pied, et les jeunes filles s’étaient acheté une glace à la supérette ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elles avaient marché le long de la rue. C’est seulement là que Yu-Chan s’était aperçue qu’elle avait perdu sa boucle d’oreille. Pendant des semaines elle avait supplié sa mère pour pouvoir porter cette paire d’anneaux. Elle avait dû insister, parce que sa mère y tenait vraiment beaucoup, et qu’en plus c’étaient des boucles en or. Elle avait réussi à les avoir et voilà maintenant qu’elle en perdait une ! Jamais sa mère ne le lui pardonnerait.

Affolée, elle avait commencé à remonter lentement la rue, les yeux au sol, Maiko la suivant de près, inquiète elle aussi. Elles avaient fait plusieurs fois le trajet jusqu’au magasin. Yu-Chan était sûre qu’elle les portait encore toutes les deux en sortant, parce qu’elle s’était regardée dans le miroir près de la porte. Mais après ? Les deux filles fouillaient nerveusement la route du regard. Tout à leurs recherches, elles avaient ignoré la silhouette longiligne du garçon qui s’était baissé à l’entrée du magasin pour ramasser un petit objet brillant. Finalement, à bout de nerfs, Yu-Chan avait dit à Maiko de partir sans elle voir le feu d’artifice :

—Vas-y, Maiko-Chan, ça sert à rien que tu restes là. Dis juste aux autres de ne pas m’attendre. Je vais chercher encore un peu.
—Tu es sûre ?
— Oui, vas-y. S’il te plaît.

Maiko était partie, et Yu-Chan avait refait une ou deux fois le trajet mais il faisait déjà trop sombre. Tristement elle avait marché, drapée dans son kimono d’été. Quand elle leva la tête, elle se trouvait devant le parc de son enfance. Elle avait retrouvé son sanctuaire. Elle alla sur une des balançoires et s’y assit tristement. Les larmes coulaient toutes seules sur son visage, elle les essuyait d’un geste las avec la manche de son kimono. "Pourquoi suis-je une si mauvaise fille ? se demandait-elle. Que va dire maman quand elle va apprendre que j’ai perdu ses boucles d’oreilles ?"

A quelque distance de là, le garçon l’observait. Il portait la tenue des ouvriers sur les chantiers : pantalon ample serré aux chevilles, T-shirt maculé de sueur, serviette éponge nouée sur le haut du crâne. Il avait un visage en lame de couteau, un sourire oblique aux lèvres. Il s’approcha, le sol crissa sous ses pieds et la jeune fille leva la tête. Toujours avec le même rictus aux lèvres, il ouvrit sa main, paume au ciel. Même dans la pénombre, Yu-Chan reconnut la boucle d’oreille de sa mère. Folle de joie, elle sauta à bas de la balançoire, dévidant déjà des remerciements éperdus. Le ton cassant de la réponse la surprit :

— Alors c’est bien à toi ?

Elle releva la tête. Il avait refermé le poing et ses yeux étaient deux pierres dures luisant dans le noir. Il reprit :
— Si tu veux la récupérer, il va me falloir une compensation.
— Oui, enfin... C’est que je n’ai pas beaucoup d’argent.

Elle fouillait déjà dans le petit sac de tissu imprimé assorti à son kimono.

— J’te parle pas de ça ! Si tu ne peux pas payer, t’as qu’à me le montrer.

Elle le dévisagea de nouveau, sans comprendre. Elle pouvait sentir la force du garçon, sa détermination. Dans l’air étouffant du parc elle eut brusquement un frisson. Elle croisa les bras, cachant de ses manches son buste encore fluet. Elle bafouilla une question qu’il n’écouta pas. Il s’approcha en lui parlant comme à un petit animal que l’on essaierait d’apprivoiser. Il avançait et elle, instinctivement, elle reculait. Soudain ses jambes heurtèrent quelque chose de dur et se dérobèrent. Sans comprendre comment, Yu-Chan se retrouva assise sur la balançoire. L’homme était à moins d’un mètre, la surplombant.

— Allez, je ne vais pas te faire de mal. Je veux juste que tu me le montres.

Yu-Chan faisait non de la tête, et poussa un petit cri quand la main du jeune inconnu empoigna son genou. Au loin, la première détonation du feu d’artifice retentit.

— Inutile de crier, ma belle, tout le monde est au spectacle.

Terrifiée, sans force, elle laissa le garçon écarter ses cuisses et les deux pans de son kimono léger. Le souffle court, la brute s’accroupit devant la jeune fille frissonnante. Faussement grondant, il pointa la culotte blanche, scandant ses paroles et frappant du bout du doigt la motte encore couverte du fragile bout de tissu.

— C’est quoi ça ? Hein ? Tu ne sais pas que le kimono se porte sans rien en dessous ? Pas étonnant que tu sèmes tes bijoux ! Dévergondée !

Entre chaque apostrophe, il donnait un coup sur le haut de la culotte, et à chaque fois que le doigt touchait le sous-vêtement, Yu-Chan réprimait un sanglot.

— Allez, enlève-moi ça.

Elle essaya de protester, il se contenta de cracher à terre et d’ouvrir sa main ; à l’intérieur il y avait toujours la boucle. Hésitante, elle commença à se tortiller. Ses sanglots hachaient ses paroles, mais on pouvait deviner des mots comme "promesse", "maman" ou "s’il vous plaît". Lui gardait la main ouverte, comme pour la narguer. Elle finit par faire glisser sa culotte sur ses jambes. Un dernier effort et sa fente fut complètement visible. Elle se cacha le visage tout le temps qu’il observa son intimité ouverte, le nez en avant comme un chien reniflant un os. Le feu d’artifice se poursuivait, éclairant sporadiquement l’étrange couple de ses lumières bleues, rouges ou vertes.

tokyorhap_icone

 

 

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