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Extraits de Tokyo Rhapsodie
11 juillet 2008

V. L’HÔTEL PAPION

Extraits du roman Tokyo Rhapsodie aux éditions la Musardine, cliquez ici pour en savoir plus...

Daniel sentit son portable vibrer. Il n’avait pas bougé du café, s’amusant à observer les clients autour de lui. Un unique message clignotait sur l’écran : « Je suis à l’endroit habituel, je t’attends. Kasumi. » Suivait une myriade de petites icônes : des cœurs, des clins d’œil, des smileys, tous bien sagement en ligne comme à l’école. Daniel prit ses affaires et sortit. Dehors la nuit était fraîche. Il serra le col de sa veste et alla tout droit à la gare, se retournant parfois pour vérifier qu’il n’y ait pas un de ses élèves dans la rue. Il avait rencontré Kasumi un mois plus tôt, à l’école. Elle était venue pour entretenir son français et il avait tout de suite été attiré par sa silhouette altière et ses yeux brillants pleins de promesses.

Quand elle l’avait invité à prendre un café un midi, il avait hésité : le règlement interdisait formellement aux professeurs d’entretenir quelque relation que ce soit avec leurs élèves. Il s’était finalement laissé convaincre. Elle lui avait donné un second rendez-vous, au cinéma cette fois, et à leur troisième rencontre elle lui prenait la main pour le conduire à l’hôtel. Depuis, ils se voyaient régulièrement, en général dans des quartiers animés, et surtout loin de l’école. Elle y était toujours inscrite, même si Daniel ne l’y avait jamais vue depuis qu’ils sortaient ensemble.

Il prit un train plein à craquer de salarymen abrutis de fatigue, heureux que ce ne soit que pour trois stations, et se dépêcha à l’arrivée de sortir de la gare. Il reconnut Kasumi de loin, très droite dans son costume sombre : veste noire, chemisier blanc, jupe droite descendant sous le genou, collants clairs, chaussures à petits talons. Elle ne l’avait pas encore aperçu et il prit le temps de détailler son visage pensif. Elle avait des yeux très noirs, assez écartés. Son nez était petit. Sa bouche, petite elle aussi, avait une forme de coeur adorable. Il s’approcha d’elle en souriant :

— Ça fait longtemps que tu m’attends ?
— Non, pas trop longtemps.

Avec elle il ne parlait que français, et de toute manière il aurait été bien incapable de communiquer en japonais avec qui que ce soit. Au début de leur relation il la reprenait quand elle faisait des fautes mais c’était devenu trop astreignant, et puis elle n’aimait pas trop être coupée en pleine conversation pour de sombres histoires de syntaxe.

Ils se dirigèrent vers le quartier au sud de la gare où s’entassaient les hôtels pour couples. Daniel profita de l’obscurité de la ruelle pour lui prendre furtivement la main. Elle le laissa faire en souriant. Ils passèrent plusieurs hôtels aux enseignes prometteuses comme Amore ou Vénus et finirent par s’arrêter devant un grand bâtiment. Les néons annonçaient fièrement son nom : Papion. Ils entrèrent. Daniel avait à chaque fois l’impression de pénétrer dans une église, ou bien dans la salle d’attente d’un cabinet de dentiste, enfin dans un endroit où se déroulent des choses mystérieuses et où l’on ne parle qu’à voix basse.

A gauche dans l’entrée, un large panneau détaillait toutes les chambres libres, avec une photo et le prix demandé. Kasumi appuya prestement sur le bouton situé sous la photo d’une des chambres et entraîna Daniel au fond du hall. La vieille réceptionniste attendait, le visage caché derrière un store ; seules ses mains, ridées et couvertes de taches brunes, étaient visibles. Elle croassa le numéro de la chambre et le prix, juste à titre de vérification, et encaissa l’argent que Kasumi lui tendit sans rien dire. Elle lui donna la clé et les deux jeunes gens prirent l’ascenseur.

Chaque porte était décorée d’un papillon de couleur différente. Il avait fallu du temps à Daniel pour réaliser que le nom de l’hôtel, Papion, était en fait une déformation du mot français « papillon ». La chambre était très grande, et surtout totalement insonorisée, un véritable luxe dans un pays comme le Japon. Dans cette pièce, les couples, légitimes ou non, pouvaient crier sans craindre les réactions des voisins, des enfants, voire d’éventuels parents vivant sous le même toit. C’étaient des hôtels dédiés à l’amour physique, et les Japonais ne s’étaient pas trompés en les appelant love hotel.

Kasumi ôta ses chaussures d’un geste rapide et trottina sur la moquette vers la salle de bain. Daniel était encore en train de lutter avec un lacet rétif quand il entendit l’eau couler : elle remplissait le jacuzzi pour « après ». Il alla droit vers le lit, gigantesque, avec sur une tablette un cendrier et quelques préservatifs pour les couples distraits.

Kasumi le rejoignit. Elle avait un regard étrange, comme un trouble voilant le noir de ses yeux. Daniel enlaça la jeune fille. Elle lui arrivait un peu au-dessus des épaules. Déjà, il sentait son désir pointer douloureusement, entravé par son pantalon. Dans la lumière tamisée de la chambre il ne distinguait qu’imparfaitement le visage tourné vers lui, mais il sentait le corps palpiter entre ses bras. Kasumi noua ses mains dans son dos et entrouvrit légèrement sa bouche. Il ne résista pas à l’appel et souda ses lèvres aux siennes. C’était chaud et doux. La première fois qu’ils avaient fait l’amour elle n’avait pas vraiment répondu à ses baisers, d’ailleurs étaient-ce seulement des baisers ? Elle avait gardé les lèvres fermées, et il avait dû forcer le passage pour faire entrer sa langue dans sa bouche. Que de progrès depuis ! Ce soir elle répondait à ses sollicitations, les devançait même. Elle pointait sa langue contre la sienne, buvait sa salive, et éveillait en lui un désir de conquérant.

Soudain affamé de chair, il eut envie de la voir nue, tremblante dans ses bras. Sa bouche toujours collée à la sienne, il commença à faire glisser les vêtements de son amie qui le repoussa doucement. S’écartant de lui, elle retira sa veste qu’elle posa soigneusement sur le dossier d’une chaise avant de défaire un à un les boutons de son chemisier. Daniel la regarda faire un instant avant de se déshabiller lui aussi. Elle avait fini de plier sa jupe et elle retirait son collant, la poitrine encore cachée par son soutien-gorge. Il s’approcha d’elle mais elle s’échappa vers le lit en gloussant et alla se réfugier sous les draps. Il eut tôt fait de la rejoindre.

tokyorhap_icone

 

 

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