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Extraits de Tokyo Rhapsodie
4 juillet 2008

IV. LE MÉTIER DE SEIJI

Extraits du roman Tokyo Rhapsodie aux éditions la Musardine, cliquez ici pour en savoir plus...

De son côté, Seiji reprit sa tournée dans le quartier de la gare. Tous les mois, il passait dans les différents établissements "protégés" par son clan yakuza. Quand on lui demandait ce qu’il faisait dans la vie, ce qui était rare étant donné l’évidence de ses liens avec la mafia, il répondait qu’il travaillait dans le "divertissement". Les filles lui sourirent quand il entra dans le bar. Le lieu était géré par un Chinois qui payait tous les mois pour éviter que la famille ne mette le nez dans ses affaires. Il s’occupait seul de trouver les filles, d’ailleurs pas nécessairement des prostituées. Certaines étaient strictement des entraîneuses qui faisaient boire et consommer les clients sans jamais les ramener chez elles. D’autres faisaient des pipes de manière occasionnelle, avec les habitués qu’elles aimaient bien. Et puis il y avait une petite minorité de vraies prostituées, que quiconque pouvait sauter à condition d’y mettre le prix. C’était d’elles surtout qu’il fallait s’occuper. Seiji alla s’asseoir au bar, et fit signe à la barmaid :

— Il est là, Wang ?

Ce n’était pas son vrai nom, mais puisqu’il était Chinois, tout le monde partait du principe qu’il devait avoir un nom comme ça. La fille secoua la tête :

— Non, mais il a laissé ça pour toi.

Elle lui tendit une enveloppe. Seiji y jeta un coup d’œil. Il n’aimait pas trop passer par des employés pour récupérer le fric, cela aurait pu paraître un manque de respect de la part de Wang. Il se promit de lui en toucher un mot la prochaine fois qu’il le verrait. L’air maussade il se tourna pour faire face à la salle. Il tiqua en croisant le regard du vieux Hayashi. Ce dernier, tout pâle, faisait déjà mine de se lever. En un instant Seiji était à son niveau et faisait signe à la fille à ses côtés de déguerpir. Le vieux eut l’air de vouloir la suivre.

— Reste ici, grand-père, il faut qu’on parle.

Sa voix était grondante, il dominait le vieux de toute sa taille, sa crinière blonde ondulant autour de son visage devenu dur. Il le repoussa au fond du box et s’assit à côté de lui, se servant sans ambages dans le paquet de cigarettes qui traînait sur la table encombrée. Il dévisagea le vieux et fit claquer son briquet.

—Tu dois un paquet de fric à la famille, tu sais.

L’autre se contenta de baisser la tête par à-coups, les yeux rivés sur ses genoux.

— Et tu viens ici claquer ton jaune. Il vient d’où, ce pognon ?

Le vieux restait silencieux. Il avait contracté des dettes : les courses de chevaux. Il avait cru se refaire plusieurs fois, mais à chaque fois le satané bourrin finissait par le mettre sur la paille. Pour l’heure il était tricard chez le bookmaker, un triste bureau dans un immeuble voisin. Ce qu’il ignorait, c’est que ce bar à entraîneuses était sous la protection de la même famille de yakuza.

—Alors, grand-père, comment tu vas faire ? T’as combien sur toi ?

Hayashi savait que ça devait finir comme ça. Dans sa poche il y avait une poignée de billets de 10 000 yens, encore dans l’enveloppe qu’on lui avait donnée à la sortie du travail. C’était sa prime, il pensait oublier un peu, boire et puis, avec ce qui restait, il aurait négocié un échelonnement de sa dette. Avec lenteur il tendit l’argent au garçon qui compta les billets sans pudeur.

—Y a pas assez. Avec les intérêts ça doit faire au moins le double.

Le vieux corrigea la phrase intérieurement : "Avec la commission que ce voyou veut prendre, il faut encore le double." Seiji tira sur sa cigarette, inspirant la fumée avec plaisir.

—Tu sais ce qu’on va faire ? Tu vas t’envoyer en l’air ce soir, à mes frais. Et puis demain j’irai te voir à ton boulot, histoire qu’on parle. T’es toujours gardien dans le grand magasin, non ?

Le vieux baissa la tête. Seiji écrasa sa cigarette et fit signe à la fille qu’il avait fait partir quelques minutes plus tôt. Elle attendait, boudeuse. Il la prit par le poignet quand elle s’approcha enfin et glissa la main dans son décolleté. Hayashi vit le dégoût que Seiji inspirait à l’hôtesse mais elle se laissa faire. Le garçon la pelota un moment puis glissa un billet dans son sous-vêtement. Il s’éloigna ensuite sans un regard en arrière, il avait encore du monde à aller voir.

tokyorhap_icone

 

 

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